Le Père Noël
a perdu son costume...

Il
avait neigé sur Terre, toute la journée
du 24 décembre. Aussi, quand arriva
le soir, un manteau blanc recouvrait le
sol. En haut, le Père Noël qui
était un peu frileux, regardait tout
cela d'un air songeur. Il savait par expérience
que la nuit allait être froide. Il
ne se trompait pas. Une bise glaciale se
leva, gelant la neige et formant des cristaux
étincelants sur le paysage blanc.
Allons donc, se dit le bon vieux, c'est
le moment de rajouter une doublure de laine
à mon costume et de me préparer
pour la tournée. Il était
22 heures et les lutins chargeaient tous
les jouets et les cadeaux dans l'immense
traîneau. Dehors, les rennes se nourrissaient
avant le départ de minuit.
La maison du Père Noël
était sens dessus-dessous. D'ailleurs
plus la date de la grande nuit magique avait
approché, plus le désordre
avait augmenté. Il y avait des jouets
partout. Il faut dire que Père Noël
craignait tellement d'en manquer qu'il préférait
prendre ses précautions et en avoir
trop que pas assez. On en trouvait
jusque dans la penderie ! Pas facile dans
ces conditions d'accéder aux vêtements.
Père Noël écarta du pied
quelques paquets, histoire d'y voir plus
clair pour prendre son beau costume rouge,
mais ce ne fut pas suffisant. Alors Père
Noël retroussa ses manches et fit place
nette en sortant tous les jouets qui encombrait
l'armoire. Peine perdue, pas de costume
rouge en vue! Tiens donc!
Pourtant il me semblait l'avoir posé
ici après ma tournée de l'an
dernier… C'est ma mémoire qui doit
me jouer des tours. Il referma
la penderie après avoir éloigné
un paquet de friandises multicolores qui
gênait encore, et partit chercher
le costume rouge dans l'atelier de jouets.
Le bric à brac qui régnait
dans cette pièce était impressionnant
malgré le rangement qu'avaient commencé
les lutins. On ne pouvait y marcher qu'en
enjambant à droite et à gauche…
Père Noël enjamba donc, déplaça,
redressa et réussit à atteindre
le placard qui servait de fourre-tout. Je
serais étonné qu'il soit là-dedans,
mais sait-on jamais… Il n'y
était pas. Ca devenait gênant
cette histoire, parce qu'à force,
il était dix heures et quart! Peut-être
qu'en remplaçant le costume par un
survêtement… Non! Avait-on déjà
vu un Père Noël en survêtement?
Si encore il avait été
rouge, mais même pas, il était
d'un bleu tout ce qu'il y avait de plus
bleu! Une demi-heure de plus
passa ainsi en recherches qui ne donnèrent
rien. Impossible de trouver le précieux
costume rouge! Alors le vieux bonhomme s'énerva.
Tout ce qu'il avait réussi à
trouver c'était son écharpe,
une écharpe bien jolie d'ailleurs,
toute douce pour passer sous sa barbe blanche…
mais enfin, une écharpe ne fait pas
un habit! Quand onze heures
sonnèrent à la pendule, le
Père Noël se décida à
appeler ses rennes. Peut-être auraient-ils
une bonne idée… ça leur arrivait
parfois. Si je ne retrouve pas ce costume,
c'est une catastrophe planétaire
qui nous attend! Tout d'abord
les rennes crûrent à une plaisanterie,
mais en voyant la tête du Père
Noël, ils comprirent que l'affaire
était grave. Ils étaient prêts
pour le grand départ, harnachés
de pied en cap, les sabots bien lustrés,
les grelots au cou bien étincelants,
une chaude couverture sur le dos. Et
c'est maintenant que tu nous le dis!
Je le dis… je le dis quand je peux! Il fallait
bien que je prenne le temps de chercher!
Mais tu as vu l'heure! Dans trois-quarts
d'heure il faut partir! Comme si je
ne le savais pas! Donnez-moi plutôt
une idée au lieu de dire des choses
qui n'avancent à rien! Ben,
comme ça, on n'en a pas! Comment
ça vous n'avez pas d'idée!
Comment ça! Depuis le temps qu'on
travaille ensemble pour les Grandes Nuits
de Noël, c'est la première fois
que je vous demande de l'aide et tout ce
que je m'entends dire c'est "débrouille-toi"!
On n'a pas dit ça. Mais
si! Mais si! Le Père
Noël venait de se mettre en colère
tout d'un coup. Le sang lui était
monté au visage et il s'essoufflait
à marcher vite dans tous les sens.
Je vous félicite! Vraiment je
vous félicite! criait-il. Il y a
des centaines de rennes qui voudraient être
à votre place pour avoir l'honneur
de tirer mon traîneau, et vous , vous
êtes là à vous gratter
la tête sans qu'aucune idée
n'en sorte! Bravo! C'est quand même
pas de notre faute, gémit un renne
accablé par la tournure que prenait
l'événement. Si tu rangeais
mieux tes affaires… La question n'est
pas là, elle est qu'il faut trouver
une solution et non une raison au problème!
Pendant ce temps, les aiguilles de la pendule
tournaient. Il était à présent
onze heure et quart. Un renne s'avança.
J'ai peut-être le temps de faire un
aller et retour en bas pour louer un costume
de Père Noël, comme ils en font
pour ceux qui veulent se déguiser.
Comment ça! dit le vieux bonhomme
choqué. Il y en a qui ose porter
un habit comme le mien? C'est-à-dire
que… Quoi,
c'est-à-dire? Les rennes baissèrent
le nez. Apparemment, le Père Noël
n'était pas au courant du sacrilège.
Trouvez-moi une idée plus intelligente!
dit-il.
Subitement un rêne se rappela
d'une lettre envoyée il y a deux
ans par une petite fille. Elle disait :
"Je t'aime tellement fort Papa
Noël, que j'ai pensé à
te faire un joli costume pour le cas où
tu abîmerais le tien pendant ta distribution
de joujoux. Il est tout rouge avec des parements
blancs comme celui que tu as. J'ai fait
aussi un bonnet avec un gros pompon et je
t'ai tricoté des gants en laine bien
chaude pour que tes mains ne gèlent
pas. Tu pourras le prendre quand tu passeras
chez moi, il t'attendra tous les ans à
côté de la cheminée
avec deux grandes bottes fourrées
que j'ai prises à mon grand-père
et que j'ai repeinte en rouge pour être
assorties. Elles étaient noires tu
comprends...
Je t'embrasse très très fort."
Et où habite cette adorable petite
fille? demanda le Père Noël.
Il avait l'habitude de garder
dans une gigantesque armoire toutes les
lettres qu'il recevait. Elles y étaient
classées par commande. Il suffisait
donc de savoir ce qu'avait commandé
cette petite fille. Hélas, personne
ne s'en souvenait. C'est forcément
un truc de fille, dit un renne. Ah oui?
Ça
c'est une remarque puissante! dit le Père
Noël agacé. Des trucs de filles,
il y en a cent mille au moins!
Il jeta un coup d'œil à la pendule.
Elle indiquait onze heures 25. Il ne restait
plus que vingt minutes avant le départ.
C'est alors qu'une petite voix retentit.
Je peux vous aider.
Toutes les têtes se tournèrent
vers un lutin qui s'était avancé.
C'était le plus petit de tous, le
plus rapide, le plus silencieux aussi. C'est
à peine si on faisait attention à
lui tant il était discret. Comment
t'appelles-tu? demanda le Père Noël
Gerdinn. Et bien Gerdinn, nous t'écoutons.
Le petit lutin se redressa. J'ai
remarqué que dans les commandes,
on demandait de plus en plus d'ordinateurs.
Alors un jour, parmi ceux que tu préparais,
j'en ai mis un de côté… Oh!
pas pour moi… je n'aurais pas osé,
mais pour t'aider dans ton travail. C'était
il y a trois ans. Et j'y ai compilé
toutes les commandes que tu classes dans
l'armoire. Etonnés,
le Père Noël et les rennes se
regardèrent sans comprendre. Ça
fait que je peux retrouver l'adresse de
la petite fille, conclut le lutin. En demandant
une recherche sur les mots "costume
rouge" et "parements blancs"
on arrivera sur la commande de la petite
fille, et donc sur son adresse.
Là, le Père Noël
resta sans voix. Bougez pas, dit le lutin,
j'en ai pour quelques
secondes.
Oh! Personne ne risquait de bouger, paralysés
comme ils l'étaient par la stupeur.
Deux minutes après, le lutin revenait
avec l'adresse. Et comme tout le monde était
resté dans la position de stupeur,
il frappa dans ses mains en criant :
Allez-allez! Il est déjà minuit
moins vingt! C'est quand même
le Père Noël qui reprit le premier
ses esprits. Il attela ses rennes à
un ancien traîneau qui, bien que vieux,
avait au moins l'avantage d'être vide
et donc rapide. Ainsi réussit-il
à revenir de chez la petite fille
à minuit moins dix avec le précieux
costume. Pendant qu'il s'habillait,
les rennes s'attelèrent vite au traîneau
chargé de jouets. Les lutins redressèrent
quelques paquets mal rangés, la hotte
fut posée dessus. Quand Père
Noël revint au traîneau, tout
le monde éclata de rire. Et qu'est-ce
que j'ai de si drôle ?
Il avait que si le costume était
bien rouge, le bonnet avait bien le pompon,
les parements étaient bien blancs,
en revanche la coupe était de travers
et la taille deux fois trop petite ! Si
bien que le pauvre Père Noël
avait son gros ventre comprimé et
les bras qui dépassaient des manches
du costume. Par contre, le bonnet était
si grand qu'on ne lui voyait plus les yeux.
Et alors? Quelqu'un a mieux à
me proposer? Après
quelques instants de silence prudent, un
renne demanda timidement: Et les bottes?
Tu les mets pas? Je les ai oubliées,
voilà! Ce fut la consternation.
Tout le monde savait que le Père
Noël était particulièrement
frileux des pieds, et qu'il n'endurerait
pas de rester en chaussettes toute la nuit.
Mais non je ne vais pas rester en chaussettes!
répondit-il. Simplement la tournée
commencera par la petite fille chez qui
j'ai oublié les bottes, voilà
tout! Alors, qu'est-ce que vous attendez!
Un claquement de langue, un vigoureux
"hop-hop-hop!" et l'équipage
démarra dans la nuit scintillante.
En bas, minuit commençait de sonner.
Arrivé chez la petite fille,
le Père Noël déposa d'abord
les jouets qu'elle avait commandés,
puis il prit les bottes rouges qui attendaient
près de la cheminée, juste
à côté des petits chaussons.
Il les prit en souriant et déposa
à la place un gros bisou que la fillette
trouvera tout chaud en se réveillant
le matin. Il y rajouta un petit cadeau supplémentaire.
Dehors les cloches finissaient
de sonner les douze coups de minuit. Noël
illuminait le monde.

Auteur
:Michèle
Joubert
  
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